Les Vers de la Mort, un texte en français du poète médiéval Hélinand de Froidmont interprété par Marie Möör sur des musiques de Jack Belsen et Jac Berrocal, Joachim Montessuis et Gaspar Claus, Olivier Mellano, Laurent Chambert.
4 tracks / Digital + CD Audio (octobre 2014).
Quand Laurent Chambert m’a envoyé le lien vers la maquette, j’ai directement appuyé sur « lecture », volume à fond, nez collé à ma feuille, dessinant une figure abstraite sur le papier. Il ne me semble pas avoir levé le nez de mon ouvrage pendant les quelque 40 minutes de diffusion. Un peu épuisé, n’étant pas certain de ce qui était sorti des hauts-parleurs, j’ai partagé le lien avec un ami, fan de grind et de musique bruitiste, accompagné d’un simple « écoute »…
« C’est quoi ton truc? […] Ça m’a fait sortir de la cuisine. […] C’est des malades. […] C’est trop bien. »
Voilà ! C’était confirmé. C’est quoi ce truc? Assez incertain et néanmoins aucunement anecdotique. Ce n’est désespérément pas de la musique. C’est du son. Quatre ensembles musicaux accompagnent la voix lancinante et hors d’âge de Marie Möör. C’est la toile de fond. La voix se détache, filtrée, réverbérée à outrance sur ce fond structuré provoquant à coup d’accents poupins ou grinçant des sensations tangentes entre malaise et volupté.
Tout commence sur une atmosphère jazzeuse de film noir mal accordé sous exposé face à cette voix, étonnamment disproportionnée, dans ses accents d’incantation magiques. Sonnant comme une messe noire cette soupe en vieux français emporte et capte son auditeur avec une efficacité improbable.
Presque dix minutes plus tard, c’est un drone cacophonique qui s’impose et la fait basculer avant l’arrivée du texte, l’écoute dans une forme de contemplation. De la passivité imposée par la première composition, l’oreille accroche sur la voix, devenue plus tonique sans changer pour autant de couleur. Sans que le sens des mots n’ait perdu de son mystère, il semble plus clair et plus familier.
A la fin du deuxième acte, l’oreille bourdonne et cherche un peu de repos. L’ambiance musicale bascule dans des sonorités électriques, ouvrant l’espace vers des perspectives plus optimistes. Une détente de courte durée. Les guitares appuient et provoquent des montées en puissance régulière qui bornent la lecture de pics d’intensité jusqu’au plan suivant.
Le fond, devenu électronique n’est, dans le dernier acte, plus qu’un lavis acoustique : nappes lisses ou chuintantes ornées de fioritures scintillantes et clinquantes se heurtant a la voix devenu grinçante de Marie Möör. Parfois une boucle vient rompre la monotonie lancinante de cette récitation insistante.
Ça n’est décidément pas plus de la musique que de la poésie. Une atmosphère transversale qui traduit en forme d’expérience sensorielle puissante ce classique de la littérature médiévale. C’est avant tout la voix floue de Marie Möör qui, placée très en avant, expose le texte dans ce qui en fait sa principale particularité : il sonne. C’est ce mystère de sonorité qui fait tout le caractère mystique de ces enregistrements et toute leur particularité à la fois. Le texte de Hélinand de Froidmont a trouvé sa voix.
by Ramboz Pierre-Henri • 13 July, 2014
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Les Vers de la Mort
I
Morz, qui m’as mis muer en mue
En cele estuve o li cors sue
Ce qu’il fist el siecle d’outrage,
Tu lieves sor toz ta maçue,
Ne nus por ce sa pel ne mue
Ne ne change son viez usage.
Morz, toi suelent cremir li sage :
Or queurt chascuns a son damage :
Qui n’i puet avenir s’i rue.
Por ce ai changié mon corage
Et ai laissié et gieu et rage :
Mal se moille qui ne s’essue.
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