Feu lent

Feu lent – Hédi Cherchour

Ils ont tapé à la porte de l’appartement à 6H du matin. La police.

Elle était déjà réveillée, elle préparait le café des parents qui dorment. Elle a entendu taper doucement à la porte. Deux « toc toc » à l’entrée du F5 bloc H, rue des Peupliers. Elle a huit ans et demi, 1m 32. Ils vivent au rez de chaussée ici.

Elle entrouvre la porte de l’appartement lentement avec son bras, car il ne fallait pas perturber le monde dans ses songes. Ils rêvent du soleil eux, ils rêvent de dormir encore vers la fin de leurs rêves, la fin de la nuit. Seulement c’est bientôt la fin du rêve dans leurs chambres de zone urbaine sans arbres. Des arbres entre les voitures des parkings peut-être. Les parkings et les arbres dorment aussi, ils sont KO comme tout le monde, ils attendent leur gens les arbres et les caisses d’ici, ils attendent la population. . Il faudra se réveiller et continuer la mélodie, LA vie mécanique de tous nos moteurs. La ville, les routes et mettre de l’essence et parler, faire n’importe quel geste dans la journée pour dire qu’on est des vivants aux autres, aux arbres même. Le dire.

C’est elle devant la porte d’entrée qui ouvre à des gens. Son bras d’enfant qui fait du café et qui ouvre à quelqu’un de dehors. Dehors, là où il faut faire attention à la race des hommes du vent Elle sait ça. . Elle lève la tête et ses yeux vers lui.  Il y a une tête d’homme qui s’approche de son nez. Il est plus grand qu’elle, c’est un adulte policier. Il a des cheveux gris un peu longs même, et lisses Il a une tête légèrement carrée. Il ressemble à monsieur Michel, le concierge du quartier. C’est sa tête de policier sur le palier du rez de chaussée de sa mère et son père. Elle ferme les points, les mains au parfum café serré, aller vas, sers le café avec ton cœur  de fillette, ce café à ton père le travailleur de la baraque. Mais le café de son père brûle sur la cuisinière.

Le flic sourit. Elle le regarde dans les yeux, depuis sa taille d’arabia. C’est la première fois qu’elle voit un flic de si près. Ça fait bizarre cette tête carrée sur le palier à la fin de la nuit. C’est presque rigolo, mais elle enferme et étouffe  le souffle de son rire dans son ventre.  Elle est défavorable à rire, elle sent ça. Elle n’a pas l’habitude de rencontrer ce genre d’homme. Elle le sait, c’est nouveau pour elle ce moment.  Il porte une veste en cuir marron. Il lui montre sa carte de policier.

Elle ne dit rien, elle observe  seulement la tête de la carte  de  police française. La photographie sur la carte, c’est le policier jeune. Elle trouve cette fois qu’il ressemble à Thierry, le fils de monsieur Michel le concierge.  Elle trouve que c’est drôle de ressembler à Thierry à 6H du matin quand même.

Elle ne comprend pas pourquoi tout est étrange au rez de chaussée depuis que ces gens ont tapé à la porte de sa famille, en plus à 6H du matin, tôt avec les oiseaux qui chantent dans les branches des trois peupliers de sa rue. La cité ronfle encore, c’est la fin du chant des tourterelles bientôt. C’est sa cage d’escaliers avec ces gens qui font un peu peur avec leurs têtes carrées… Ils veulent quelque chose, ils souhaitent parler à quelqu’un ici.  D’abord à elle.

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