Teaser pour Les prototypes, RDO par Pierre-Henri Ramboz
Si j’ai bien compris, tu animes des images avec du code de programmation?
Je pars de mes dessins que je reproduis en code et que j’anime légèrement. Je filme ensuite le résultat à l’écran que je complète avec une ambiance sonore, à savoir : le ronron de l’ordinateur et le bruit de la rue en contrebas.
Quand tu dis : « je reproduis en code », les lignes des dessins sont programmées?
Oui, c’est du html, je programme tout. Je reproduis le dessin en code. Je n’étais pas satisfait par ce que j’avais obtenu avec les premières captures de mes dessins. L’aliasing vidéo me donne ce que je recherche en combinant chaleur et aspect mécanique. La part liée au travail manuel est très anecdotique dans l’aspect du rendu définitif et le code me permet d’obtenir des images très similaires mais bien plus fines.
Oui.
Le process :
1 : je fais un dessin
2 : je le reproduis en code
3 : je l’anime très légèrement
4 : je le filme
5 : je décompose le film en séquences d’images
6 : je retravaille les séquences image par image (photoshop)
7 : je recompose le film
8 : je plaque arbitrairement la bande son de la capture samplée, séquencée et remixée.
9 : je publie.
Je récupère ainsi du grain et j’extrapole l’image. J’entre dans le pixel et je peux l’éclater pour le rendre plus organique. C’est comme l’artefact de compression qui rend l’image liquide ; on l’obtient en rajoutant un grain très fin sur une image en haute définition que l’on exporte, ensuite, dans un format vidéo. Le piqué de l’original est impressionnant mais en le perdant, on ouvre une toute autre dimension.
Des gels partiels, des zones de l’image comme scotchées.
Je parle des courants fluides qui apparaissent comme si l’image se liquéfiait
Je m’entends mais oui c’est bien l’aspect comme liquéfié qui l’emporte. Sinon, pourquoi faire le dessin manuellement est indispensable pour toi? Pourquoi ne pas produire directement le dessin en numérique?
On a toujours besoin d’un brouillon. C’est comme réfléchir avant de parler. J’ai besoin de visualiser ce que je vais coder et cela me donne un point de repère
Il y a par conséquent une attention portée à l’ancrage.
Oui, l’origine.
Et cela fait sens.
Inception, le départ. Le début n’est pas la fin et la fin justifie les moyens. D’un même dessin je peux extrapoler 100 codes.
Et ce que tu obtiens fait la boucle.
Du même code je peux tirer 1000 vidéos mais l’origine demeure la même. Je tire des lignes. Celles que je fais à l’encre sont pérennes et uniques, très insatisfaisantes mais très efficaces aussi. Le dessin est pour moi comme un modèle mathématique, pratique mais insatisfaisant, très élégant aussi… Le code n’est pas cela, il est bien plus versatile, moins élégant car froid et distancié, Il faut le dénaturer pour revenir à l’organique. Ce frottement entre réel et virtuel fait sens.
Le numérique n’est-il pas par nature dans l’instable, le perpétuel mouvement, le flux et ne sachant pas fonctionner avec le fixe, la singularité?
Dans un sens c’est juste mais dans un autre, le numérique est singularité en étant comme l’horizon des évènements, dans l’ordre du virtuel.
L’identité de notre humanité, tenter de déborder l’horizon des événements du virtuel.
Comme le définit Einstein, espace et temps n’existent que du point de vue de l’observateur. L’immobilité devient flux dès que nous observons le temps. Il s’agit bien de ce mouvement que nous détaillerons, quantifirons, monétiserons de façon très précise. Nous voyons apparaître alors les choses hyper-mobiles. En fait, c’est nous qui sommes agités dans une forêt d’arbres morts.
La conversion part, avec l’impulsion, dans une certaine direction en suivant pourtant une courbe qui l’a fera inévitablement revenir à son point de départ. L’observateur regarde la direction et voit une ligne droite. La courbure gravitationnelle lui échappe.
Voilà, la gravitude.
Aggravons nos cas.
Pas grave. »
P.-H. Ramboz & L. Chambert (29/03/2015)